RAVEN -


Tu poussas la porte, le doux tintement d’un carillon pour t’accueillir. Le soleil avait déjà commencé sa course vers l’horizon depuis quelques heures et le ciel commençait à prendre des teintes dorées. L’automne faisait son œuvre, les feuilles des arbres avaient rougis et elles jonchaient le sol, les nuages cachaient le soleil par ci par là, et l’air était de plus en plus frais. Tu appréciais particulièrement cette saison pour sa douceur. Après tout, tu étais né sur le sol écossais, alors la grisaille et la fraicheur était dans ton ADN, plus que la chaleur.

- Il y a quelqu’un ?

Tu fis quelque pas dans la boutique, ta caisse à outils à la main, mais ton regard n’en croisa aucun. La boutique était plongée dans le silence. Tu n’étais encore jamais venu ici. En 4 mois, tu étais passé devant, tu l’avais vu, mais jamais tu n’avais poussé cette porte. En même temps, tu n’étais pas vraiment le genre à venir dans une boutique de sorcière. Enfin, ce n’était qu’une herboristerie après tout. Peut être que tu supposais trop vite, mais l’expérience t’avait déjà montré que ce genre de boutique cachait souvent une magie plus sombre.

Mais tu fus surpris de l’apaisement que tu ressentis dans la petite pièce. Le bois sombre était chaleureux, l’odeur floral était discrète et non entêtante, les livres étaient anciens, les petits pots en verre occultant disposé avec soin. Cet endroit était serein, emprunt de quelque chose de lumineux et de positif, et ça faisait écho en toi. Tu te détendis donc petit à petit en faisant quelques pas sur le parquet, regardant autour de toi.

Ton téléphone avait sonné une heure plus tôt alors que tu terminais les rénovations du toit des Harper dans le nord de la ville. T’avais pas répondu mais on t’avait laissé un message. La voix mélodieuse de l’autre côté du combiné t’avait marqué et même si tu étais attendu chez tes parents, tu avais décidé de répondre à cette demande. Le message était simple et concis, il y avait un souci de plomberie, elle avait juste laissé l’adresse et son numéro de téléphone.

- C’est Raven, on m’a appelé pour la plomberie. Ta voix résonna dans la pièce alors que tu observais partout autour de toi, ton instinct de chasseur de poussant à détailler cet endroit, quand ton regard rencontra le sien.

La jolie rousse revenait de l’arrière-boutique, sa voix sucrée résonnant encore dans ton esprit.


CIARA -


Ciara avait toujours été matinale. Toute sa vie. Elle adorait voir le soleil se lever, le ciel s’éclairer, les oiseaux s’éveiller, le tout une bonne tasse de thé chaud à la main. L’automne était sa saison préférée. Les couleurs, les odeurs. Tout la poussait dans la forêt au petit matin.

Malheureusement pour elle, ce matin en particulier, elle avait plusieurs commandes à préparer. Deux tisanes, un onguent et quatre potions pour être précise. Alors, après avoir pris une douche rapide, bu son thé, et enfilé sa tenue automnale du jour, elle s’était rendue à l’herboristerie, le jour pointant à peine. Les rues de Camden commençaient à peine à s’animer, l’odeur du pain chaud emplissait l’air. Bon sang, qu’est-ce qu’elle aimait l’automne.

Comme chaque matin, elle ouvrit la boutique, remplit les quelques pots qui en avaient besoin et fit un brin de ménage avant que les clients ne commencent à arriver. Une fois ses tâches quotidiennes effectuées, elle noua ses longs cheveux en une sorte de chignon hasardeux sur le sommet de son crâne et se rendit dans l’arrière-boutique, dissimulée derrière un rideau de velours, afin de préparer ses commandes du jour. Les tisanes et l’onguent ne lui prirent pas beaucoup de temps, c’était plutôt routinier et ne nécessitait pas son talent « spécial ». Les potions en revanche, c’était une autre affaire. Sa mère en avait toujours vendu mais elles n’étaient rien de plus que des infusions banales. Depuis sa fusion, c’était Ciara qui s’en occupait et leurs effets se faisaient toujours noter.

Sortant le grimoire familial du tiroir où il était enfoui, la jeune femme allait dégoter son chaudron d’une armoire lorsqu’elle remarqua la fuite. Une flaque conséquente s’était formée devant l’évier ui trônait dans un coin de l’arrière-boutique, chose qu’elle n’avait pas remarqué en arrivant.

- Et merde... chuchota-t-elle entre ses dents.

Ses potions devraient patienter. Par miracle, ou coup du destin, elle avait trouvé quelques jours auparavant un flyer avec le numéro de téléphone d’un homme à tout faire, qu’elle avait soigneusement rangé dans un tiroir, juste au cas où. Grand bien lui en avait pris. La rousse dégaina donc son portable et composa le numéro inscrit sur le papier. Une voix chaude résonna lorsqu’elle tomba sur le répondeur. Re merde. Après un soupir, elle laissa un message une fois le bip retentit.

- Bonjour, Ciara de l’herboristerie sur St-Windy. Je… J’ai de toute évidence une fuite qui vient de mon évier. Euh… Si quelqu’un pouvait passer jeter un œil aujourd’hui ce serait génial. Vous pouvez me rappeler à ce numéro. Merci !

Il n’y avait plus qu’à espérer que quelqu’un passe avant qu’elle n’ait complètement les pieds dans l’eau. Après un autre soupir, la jeune femme se munit d’une serpillère et d’un seau et entreprit d’éponger en partie l’énorme flaque qui menaçait sa boutique. Heureusement pour elle, le débit n’était apparemment pas trop fort, elle parvint donc à sécher le sol en grande partie et à placer son seau sous le tuyau coupable de l’eau qui s’évadait.

Le visage légèrement rougit par l’effort que lui avait demandé cette séance d’épongeage, elle rangeait enfin sa serpillère quand la clochette de la porte d’entrée tinta, la faisant presque sursauter.

- J’arrive dans un instant, s’écria la rousse depuis le fond de la boutique.

Un bref coup d’œil dans le miroir lui fit se rendre compte de l’état dans lequel elle se trouvait. Le teint encore rosé, son chignon à moitié défait laissant échapper bien trop de cheveux pour être encore utile. Puis son grimoire encore ouvert, derrière elle, qui attira son attention. Elle fourra prestement celui-ci dans un tiroir et repoussa le lourd rideau pour se frayer un chemin jusqu’à son sauveur.

- Bonjour, pardon j’étais en train de nett…

Sa phrase s’arrêta net lorsqu’elle croisa le regard du jeune homme qui avait passé la porte de la boutique. Il ressemblait à l’une de ses statues de héros grecs qu’on pouvait voir dans les musées. Ciara était à peu près sûre que son visage devait être encore plus rouge qu’il ne l’était quelques minutes auparavant. Après une seconde qui lui sembla une éternité, elle reprit.

- Euh… Raven, oui, pardon, je… Ciara, c’est moi qui ai téléphoné. Je, j’ai une fuite, mon évier… Fuit. C’est par là si… Si vous voulez me suivre.

Pitoyable. C’était pitoyable. Elle avait à peine réussi à aligner deux mots, et quand elle l’avait fait, ça avait été à une vitesse surhumaine. Son plombier avait beau avoir l’air d’un dieu grec, il fallait qu’elle se reprenne. Une grande inspiration plus tard, elle dirigea le blond vers l’arrière-boutique en dégageant le rideau afin de lui livrer passage.


RAVEN -

Ses joues sont rougies, mettant en valeur son nez fin et ses minuscules tâches de rousseurs qui parsèment sa peau. Tu inspires pour garder ta constance face à cette vision. Tu souris même, nonchalamment, comme tu l’as toujours fait, mais cette fois, il y a une touche nouvelle. Et puis ces yeux, tu bloques de nouveau un instant sur ces yeux d’un vert vibrant, miroir de l’âme. Ce visage encadré de mèches rousses t’inspire quelque chose de positif, tout comme l’ambiance de cette herboristerie.

Reprenant tes esprits, tu l’écoutes, appréciant de nouveau sa voix douce et mélodieuse. Tu fais juste un signe de tête et tu la suis dans l’arrière-boutique. Tes instincts de chasseur revenant toujours à la surface, tu passas le rideau, ton regard se posant partout dans cette nouvelle pièce. Toujours plus de livres, d’herbes séchés, des flacons vides, ou pleins. Même si la lumière est plus filtrée dans cette pièce que dans la boutique en elle-même, quelque chose de chaleureux se dégage de cet endroit mais ton instinct te rappelle tout de même de rester sur tes gardes et de bien observer. Les apparences peuvent être trompeuses, tu ne le sais que trop bien.

Tu étais là pour quelque chose de précis, et non pas pour fouiner, alors tu te ressaisis. Approchant de l’emplacement de l’évier, tu remarquas la bassine qui se remplissait d’eau, petit à petit. Rien d’alarmant. Tu déposas ta caisse à outils sur le sol avant de relever les manches de ta large chemise à carreaux marronés, dévoilant la naissance de ton tatouage.

- Ce n’est surement rien de bien méchant. Je peux vous demander une serviette ?

Quand tu reposas ton regard dans celui de la fameuse Ciara, un sourire étira à nouveau tes lèvres, naturellement. Il fallait que tu arrêtes de la regarder et que tu te mettes à bosser, après tout, tu étais attendu par ta famille pour une réunion importante. La pleine lune arrivait et ce serait la première véritable chasse de la famille depuis votre arrivée à Camden. Si jusque là vous ne faisiez que récolter des informations par ci par là, cette fois, ça serait différent. Vous aviez des preuves de la présence de loups dans ces bois, mais aussi de vampires en ville. Si les vampires se cachaient certainement ce soir-là pour éviter la morsure mortelle d’un loup, les esclaves de la lune seraient quant à eux bien présent autour des ruines et des cascades, là où vous aviez trouvé des traces de leur passage.

Tandis que la jeune herboriste partait chercher ce que tu lui avais demandé, tu t’allongeas sur le sol, te glissant sous l’évier après avoir retiré la bassine. Tu penchas la tête, observa, toucha plusieurs endroits pour trouver l’origine de la fuite.


CIARA -

Hochant simplement la tête à la demande du blond, et prenant grand soin d’éviter les deux yeux d’un bleu perçant qui la fixait, Ciara se détourna pour fouiller le placard à la recherche d’une serviette. Placard était un bien grand mot, qui sous-entendait un minimum d’organisation. Non, il s’agissait plutôt là d’un débarras. Ou d’un fourre-tout. L’une comme l’autre des deux dénominations était tout à fait représentative. Avec un soupir las devant le manque d’organisation évident qu’avait sa mère quant au rangement, elle glissa l’une de ses longues mèches rousses derrière son oreille en observant le contenu du placard. Finalement, son regard se posa sur une pile de serviettes, sur l’étagère la plus haute. Evidemment. Elle jeta un bref regard autour d’elle, à la recherche du marche pied qui devait traîner quelque part, mais ne le trouva pas. Bon. La caisse contenant dieu seul savait quoi qui gisait au sol devrait faire l’affaire. Précautionneusement, la jeune femme se hissa sur celle-ci en se tenant aux étagères. Bien sûr, il lui manquait encore quelques centimètres pour atteindre son but. Fronçant un peu les sourcils et évaluant la situation, la rousse soupira en se hissant sur la pointe des pieds et en tendant à nouveau la main vers les serviettes. A la seconde où sa main se referma sur l’étoffe, la caisse sur laquelle elle était montée se déroba sous ses pieds. Retenant un cri de surprise, la rousse se rattrapa in extremis sur le chambranle de la porte avant de finir le postérieur sur le sol.

Après la seconde qui lui fut nécessaire pour rétablir pleinement son équilibre, la rousse releva la tête, et croisa le regard azur du blond qui était supposé se trouver sous son évier. Ce qu’elle avait pris pour le bois dur de la porte était en réalité le torse du jeune homme, sur lequel sa main reposait toujours. Ni une, ni deux, elle sentit la chaleur lui monter aux joues et ôta prestement sa main.

- Oh, euh… Pardon, je… J’ai perdu l’équilibre. Votre serviette ! dit-elle dans une seule respiration.

Ses tâches de rousseurs se perdant sous la rougeur qui avait envahi son visage, Ciara lui jeta presque le tissu à la figure avant de se faufiler entre le jeune homme et la porte. Tentant encore de reprendre sa contenance, elle ôta l’élastique qui retenait les dernières mèches de ses cheveux en inspirant profondément. Gardant ostensiblement la tête tournée dans n’importe quelle autre direction que l’évier ou le placard, elle s’appuya de tout son poids sur la grosse table en bois qui trônait au centre de la pièce. Son regard se posa finalement sur la grosse bouilloire en cuivre qui siégeait sur la gazinière. Quelque chose qui occuperait son esprit, et ses mains. Quelque chose dans lequel elle excellait. Parfait. Elle avait rempli la bouilloire en arrivant ce matin, avant de trouver la fuite, ce qui faisait bien son affaire à l’instant. D'instinct, elle tendit la main vers son thé préféré, un mélange d’épices et de gingembre qu’elle avait préparé elle-même, avant de se raviser presque instantanément. Gingembre et épices. Un puissant aphrodisiaque. Non, il lui fallait un autre thé. Ses yeux coururent sur les différentes boîtes avant de se fixer sur un mélange d’herbes inoffensives, réputées pour apporter vitalité au corps et à l’esprit. Cela ferait parfaitement l’affaire. Avec les gestes fluides de quelqu’un qui en avait l’habitude, elle entreprit de préparer deux tasses de thé. Peut-être que cela ferait oublier au blond la piètre hôtesse qu’elle avait été jusqu’à présent.

RAVEN -

Tu bidouillas deux trois choses, testant d’où pouvait venir la fuite, cherchant s’il n’y avait pas d’autres soucis sur ce circuit qui semblait réellement très ancien. Tu avais rapidement compris que cette petite ville du Maine et notamment les boutiques et habitations du centre-ville n’avait pas connu de rénovations depuis bien longtemps. La plupart des bâtisses étaient restées dans leur jus durant des dizaines d’années, voir plus, et il y avait beaucoup à faire pour remettre tout cela aux normes.

Ce qui était plutôt une aubaine pour toi, cette ville se trouvait être l’endroit parfait pour reprendre les reines de la société familiale et montrer que tu étais capable de subvenir au besoin de la famille. Après le décès de ton ainé, c’était à toi que revenait cette tâche. Ton père venait de prendre sa retraite, c’était l’heure. Du moins, en tant qu’ouvrier du bâtiment, car il était loin de quitter les parties de chasses nocturnes dont votre famille était coutumière. La première vraie chasse à Camden était pleine de promesse. Elle aurait lieu quelques soirs plus tard, lors de la pleine lune. Après avoir été sages et avoir simplement observé durant des mois, il était temps de passer à l’action. Vous aviez repéré les lieux, trouver les traces des loups dans les bois, détaillés leurs habitudes, leurs cachettes. Vous étiez prêt.

Les vampires restaient discrets même si vous saviez qu’ils étaient quelques parts dans la ville. Ils sont nombreux, mais ils sont malins et se cachent. Tous comme les sorciers qui au fil des années ont appris à camoufler leur magie et leur sombre dessein. Pour les loups, c’était plus compliqué de rester dans l’ombre.

Tu relevas la tête et sorti de sous l’évier, cherchant la jolie rousse du regard. Elle était partie chercher une serviette mais semblait avoir du mal à atteindre son but. Assis sur le parquet, tu l’observas un instant tandis qu’elle fouillait son placard. Ses doigts étaient fins, ses mains gracieuses, elle semblait être un étrange mélange d’élégance et de maladresse ; de douceur et d’impulsivité. Ses cheveux noués sur le sommet de sa tête se rebellaient, ses mèches tombant si et là, caressant sa peau clair et tacheté. Tes yeux glissaient sur elle quand elle se hissa sur une sorte de boite. Quelque chose t’intima à te lever pour aller l’aider, ce piédestal ne semblait pas tout à fait équilibré, et tu avais bien fait, car tu n'eus pas le temps d’arriver jusqu’à elle qu’elle tomba sur toi.

Ses mains délicates glissant sur ta chemise à carreaux, ses cheveux en pagaille, tu pus seulement amortir un peu sa chute. Quand elle releva ses yeux émeraudes vers les tiens, la surprise et la panique dans son regard étaient si attendrissant que tu esquissas un sourire. Tu tendis la main pour l’aider à se remettre debout mais dans son empressement, elle ne la remarqua pas et se releva par ses propres moyens avant de te mettre la serviette dans les mains pour fuir. Tu dus te mordre la langue pour ne pas sourire d’avantage. Cette fille t’intriguait.

Tu passas derrière elle pour rejoindre l’évier et glissa un simple et chaud « merci » près d’elle avant de retourner à ta mission. Tu coupas l’eau et entrepris de changer le joint qui posait problème. Tu aurais dû être concentré sur ta tâche, toi qui étais toujours focus, mais tu ne cessais de détourner les yeux pour la regarder. Elle préparait du thé, toujours dos à toi. Cela faisait longtemps que tu n’avais pas eu ce genre de sensation. La sensation qu’elle était différente, qu’elle était intéressante, maligne, pour ne pas dire malicieuse. Elle dégageait quelque chose de fort et rassurant à la fois, quelque chose de nouveau. Quelque chose d’inconnu.

Tu te perdais dans tes pensées, tu changeas le joint, ralluma l’eau pour vérifier l’étanchéité avant de le serrer réellement. Tout semblait parfait. Tu allais pour resserrer l’écrou quand la rousse se retourna avec ses deux tasses de thé dans les mains et ton regard glissa vers elle et ton attention ailleurs, tu tournas ta clé dans le mauvais sens et l’écrou se desserra laissant échapper un vague d’eau glacé. Tu juras avant de couper l’eau d’un geste vif. Tu étais trempé. Tu fermas les yeux et inspira pour ne pas être emporté par ta colère face à ta bêtise puis, tu te redressas, attrapant la serviette pour essuyer ton visage et tes cheveux.

CIARA -  

Elle avait rarement été aussi écarlate de toute sa vie. Pourtant, elle avait la rougeur facile, mais là c'était autre chose. Son cœur battait la chamade et elle avait des papillons plein le ventre, tant et si bien qu'elle peinait à retrouver sa constance. La voix chaude du blond résonnant juste derrière elle la fit presque sursauter et elle s'empourpra de plus belle.

Heureusement pour elle, le thé lui permit de retrouver ses esprits en se concentrant sur autre chose que l'Apollon sous son évier. Après une profonde inspiration, elle se retourna, les deux tasses fumantes en main et son regard croisa celui du blond. Le rouge lui monta à nouveau légèrement aux joues en surprenant son regard sur elle mais elle n'eut pas vraiment l'occasion de réagir avant que la manipulation qu'il avait effectué ne lui fasse jaillir l'eau à la figure.

Dans une vaine tentative de contenir son amusement, la rousse se mordit la lèvre, étouffant le rire qui s'apprêtait à jaillir. Cependant, l'air vexé du jeune homme eut raison d'elle et elle eut juste le temps de déposer les tasses et leur liquide brûlant avant d'éclater de rire. Le pauvre homme était trempé jusqu'à la moelle. Son regard émeraude glissa jusqu'à la chemise trempée qui lui collait à la peau tandis qu'il essuyait son visage. Cette serviette s'avérait finalement d'une grande utilité. Gloussant toujours comme une midinette, la rousse repartit en direction du placard et en tira un vieux t-shirt qu'elle avait piqué à Isaac quelques années auparavant, et qui lui servait le plus clair du temps de pyjama lors de ses longues nuits à la boutique. Bon, elle l'avait porté quelques jours auparavant, mais il était globalement propre. Ce serait toujours mieux que sa chemise trempée.

Elle se retourna vers le blond et lui tendit le t-shirt  avec un sourire amusé.

- Ça devrait vous aller, dit-elle avant d'ajouter quelques secondes plus tard. C'est celui de mon frère.

Elle ne savait pas vraiment ce qui l'avait poussée à préciser que le t-shirt était à Isaac. Peut-être voulait-elle s'assurer qu'il ne pense pas qu'il appartenait à un quelconque petit ami.

Tandis que le blond commençait à déboutonner sa chemise, elle se retourna prestement, le teint à nouveau écarlate, manquant de s'étouffer. Cet homme aurait sa peau.

RAVEN -

Tu avais encore le visage dans la serviette quand le rire de Ciara résonna dans la pièce. Caché derrière le tissu blanc, tu souris. Ce rire était si mignon et naturelle, c’était revigorant. Tu adorais ta famille et chacun de ses membres avaient son propre caractère mais souvent, l’ambiance était sérieuse entre vous, toujours concentrés sur votre mission. Surtout depuis le décès de ton ainé, Drew.

Alors ce rire, cette douceur, cette situation, c’était une bouffée d’air frais. Tu terminas d’essuyer tes cheveux blonds avant de reposer le serviette désormais humide sur le plan de travail devant toi. Tu retiras ta chemise à carreaux, découvrant ton tee-shirt trempé lui aussi. Heureusement, seul le haut de ton corps était sous le meuble, ainsi ton jean avait été épargné.

Le sourire qui éclairait le visage de Ciara réchauffa ton coeur sans que tu le comprennes réellement, et tu attrapas le tee-shirt qu’elle te tendit.

- Merci, répondis-tu simplement avant d’entreprendre de retirer ton tee-shirt.

Quand la rousse se retourna, ton sourire s’aggrandit. Il aimait voir le rouge lui monter aux joues. Son frère alors. Bonne nouvelle, mais cela voulait–il dire qu’elle n’avait pas de petit ami ? Pas vraiment, mais tu espérais que ce soit le cas. Ce qui te surpris toi-même. Tu venais de rencontrer cette jolie herboriste, tu n’étais pas du genre à craquer pour une fille que tu ne connaissais pas. Et pourtant. Elle t’intriguait, t’attirait, d’une manière que tu avais bien du mal à comprendre. Après avoir essuyé ton torse avec la serviette, tu enfilas le nouveau tee-shirt qui, en effet, t’allait plutôt bien. Rapidement, tu t’accroupis devant l’évier, tourna l’écrou dans le bon sens, le serra avant de remettre l’eau. Tu te relevas pour ouvrir le robinet et vérifier qu’il n’y avait plus de fuite.

Voilà qui est mieux. lanças-tu avant de te relever. Tu déposas tes outils dans ta caisse et la ferma avant de poser tes vêtements trempés dessus. Le soucis est réglé, mais c’est temporaire, il faudrait vraiment penser à revoir la plomberie, elle semble aussi vielle que cette ville.

Tu t’accoudas sur le plan de travail qui vous séparait, regardant la rousse avec ses tasses et pris celle qu’elle lui tendait en la remerciant. Après cette douche glaçée, un petit réconfort était le bienvenue.

- Vous avez toujours vécu ici, je me trompe ? Demandas-tu avant de soufflé sur le liquide fumant.

La petite voix dans ta tête te rappelle que tu es attendu chez tes parents pour la mise en place de la première chasse en ville, prévu pour la pleine lune suivante, tu devrais déjà être en route, mais tu n’es pas contre l’idée d’arriver en retard si c’est pour en apprendre plus sur la jolie jeune femme qui te fait face.

CIARA -

La rousse ne se retourna qu’en entendant le jeune homme se mettre en mouvement derrière elle. Elle jeta un coup d'œil par-dessus son épaule, constata que le blond avait daigné s’habiller, et en soupira presque de soulagement. En soit, Ciara n’avait jamais été quelqu’un de pudique, mais elle avait rarement ressenti une telle attirance juste après avoir rencontré quelqu’un, elle en était toute troublée. Se hissant sur la table pour s’y asseoir, elle observa le blond tandis qu’il bidouillait quelque chose sous l’évier. Il semblait satisfait de ce qu’il avait fait puisqu’il rangea ses outils et lui fit face à nouveau. Elle retint un soupir las à sa remarque mais ne put s'empêcher de lever les yeux au ciel. La ville entière commençait à battre de l'aile, ce n'était pas quelque chose de récent.


- Ne m'en parlez pas… répondit-elle. La vétusté est un vrai fléau par ici. Il faut croire que j'aurais encore besoin de vos services alors. ajouta-t-elle avec un sourire.

"Quel dommage", garda-t-elle sous silence. Il fallait bien se l'avouer, le blond était loin d'être désagréable à regarder travailler, bien au contraire. Même si sa timidité presque maladive empêchait Ciara de le reluquer ostensiblement, ce n'était pas l'envie qui lui en manquait.

Tandis qu'il se plaçait de l'autre côté de la table, elle descendit souplement de son perchoir et lui tendis la tasse avec un sourire. Voir le blond porter son t-shirt était particulièrement déroutant. Si ce n'était Isaac, des années auparavant, personne d'autre ne l'avait jamais porté, encore moins un Apollon pareil. C'était inhabituel. Pas désagréable, mais inhabituel.

Elle sirotait tranquillement son thé quand le jeune homme reprit la parole, et hocha la tête en réponse.

- Depuis ma naissance. Ma famille est l'une des fondatrices de la ville. Les O'Brien ont toujours été là, depuis le départ, et personne n'a jamais vraiment quitté le nid. Personne n'en a eu envie d'ailleurs, c'est chez nous. ajouta-t-elle avec un haussement d'épaule.

Elle se perdit brièvement dans ses pensées, pensant aux choses qu'elle taisait, notamment les raisons de ces solides racines. La magie. L'énergie de la terre ici. Ils ne pouvaient partir, c'était leur raison de vivre. Elle reprit la parole au bout de quelques secondes.

- Je connais tout le monde ici, ou presque, et vous, je ne vous ai jamais vu avant. Je m'en serai souvenue. Qu'est-ce qui a bien pu vous amener dans notre coin paumé de la terre ? demanda-t-elle, une lueur curieuse dans le regard, le nez plongé dans sa tasse de thé.

@Ciara O'Brien