Inspiration longue. Les yeux clos, tu respires calmement, concentrant tout ton être sur les bruits qui t’entourent. Assise en tailleur sur le sable fin, face à l’océan, tu as l’impression d’être seule au monde et ça te fais un bien fou. L’odeur citronné que tu aimes tant et qui flotte dans l’île se mêlent aux notes iodées de l’air marin. Le chant du l’eau rencontrant la terre te berce, apaise ton cœur, ton âme, et tu vides ton esprit autant que possible.
Il est tôt, assez tôt pour que le soleil colore encore le ciel de rose. L’hiver est bien là même si les températures sont plus clémentes ces derniers jours. Tu es emmitouflée dans une grosse doudoune, ton bonnet et ton écharpe te protégeant du froid, une couverture autour des épaules. Ton sac à dos traine à côté de toi, contenant ton téléphone éteint ainsi qu’un briquet, dans l’éventualité que tu allumes un feu.
Que faisais-tu ici ? Dans l’air frais du matin, face à l’océan, seule ? Tu n’en savais rien. Tout ce que tu savais c’était que tu en avais ressenti le besoin. Depuis ton retour en ville, tu avais l’impression que l’océan t’appelait. Comme un besoin de te ressourcer auprès de cette immense étendu bleue. Tu étais allé te promener le long des quais, ou de la plage publique, mais ce matin, tu avais ressenti cet appel plus fort encore et tu t’étais assise là, loin des regards dans la crique.
Assise là, tu finis par rouvrir les yeux. Minuscule face à la force des vagues et l’immensité de l’océan, tu expiras lentement tout en posant tes mains sur tes genoux, paumes tournées vers le ciel. Depuis l’incident à la faculté, tu n’avais pas vraiment voulu retenter d’user de cette chose, de ce « pouvoir », tu ne savais pas comment l’appeler. Mais ce matin, tu avais envie. Rythme ta respiration sur le va et viens de vagues, tu te concentras sur l’eau, puis sur ta peau.
Tu te souvenais du courant glacé qui avait couru sous ta peau, eau gelée qui glissaient dans tes veines, traversant ton être pour rejoindre le bout de tes doigts. Tu tentais de te remémorer la scène, de ressentir la même chose, de vibrer avec cette étrange pulsion. Quand le frisson commença à parcourir tes bras, tu fermes les poings, les serrant en faire blanchir tes phalanges. Ton cœur accéléra ses battements alors que ton souffle devenait court. Expirant tout l’air de tes poumons, tu ouvris tes mains, et l’une des vagues qui venait rejoindre le sable se leva pour devenir une bulle d’eau volante. Surprise, tu l’observas un instant sans bouger. Elle était là, dans les airs, face à toi, immobile. Un sourire étira tes lèvres, ressentant de la force et de la fierté. Alors tu avais vraiment un pouvoir ? Tu ris comme une enfant avant qu’une voix derrière toi fasse raté un battement à ton cœur. La bulle explosa et te ferma les poings. Tu pris une seconde avant de te retourner vers l’origine de cette voix pour croiser le regard de Hunter. Tu essuyas tes mains et te leva rapidement en faisant tomber le plaid sur le sol.
L'appel de l'océan résonnait en moi tel une mélodie mystique. Je ne pouvais pas l'expliquer, c'était toujours là. Mon âme appartenait à ces eaux tumultueuses et j'avais de la chance de pouvoir vivre sur cette île en symbiose avec le rivage. A Wish Falls la nature était sauvage et indomptable. Et c'était au lever du jour que cette immensité révélait toute sa beauté. C'était un paysage de bout du monde.
L'avantage d'être gardien de phare, c'était que je pouvais choisir mes heures de travail. Ma mission était d'entretenir l'édifice, de le maintenir en état de fonctionnement, de surveiller la présence éventuelle de navires en difficulté. Et sans vouloir me vanter, depuis mon prise de poste il y a un an la tour brillait de mille feux. J'avais fait toutes les réparations nécessaires pour rendre ce vieux phare aussi puissant que s'il était neuf. Même si j'avais une cabine dans le phare pour y dormir, j'aimais aussi rentrer dans mon bungalow à Wish Falls de temps à autre. Le chemin bordait les falaises, me permettant d'apprécier les premières lueur du jour dans toute leur majesté.
Mon esprit perdu dans mes pensées, je ne réalisai pas immédiatement que mes pas me menaient instinctivement vers Fate Creek. Cette plage était un coin de paradis secret connu uniquement des locaux. Une merveille qui devait se mériter après une descente sinueuse et abrupte par un petit chemin rocheux. Les bourrasques de vent étaient fraiches en cette fin d'année, mais mes vêtements de travail étaient chauds, résistants et confortables.
Une idée incongrue me vint au moment d'arriver sur la petite plage : pourquoi ne pas prendre un petit bain de mer, là tout de suite ? Je serais certainement seul... Cette idée mourut immédiatement alors qu'au loin je vis une silhouette féminine assise seule près de l'eau. Mais ce qui était en face d'elle était tout aussi intriguant. Un sortilège aquatique semblait être à l'œuvre, une bulle d'eau qui s'élevait doucement au dessus de l'écume. Un léger sourire apparut au coin de mes lèvres, c'était le type de magie simple qui était apprise aux jeunes naïades au début de leur apprentissage... Une vague de nostalgie me traversa.
Observer ainsi la jeune femme de loin devint tout à coup assez gênant. Je n'étais pas un de ces stalkers et j'avais l'impression de trahir son sentiment d'intimité à la scruter ainsi... Prenant mon courage à deux mains je m'avançai pour la saluer poliment.
- Bonjour.
Même si j'avais essayé de ne pas arriver brusquement la jeune femme se retourna brusquement. Mon visage prit un air un peu gêné. Je la reconnus, c'était Juliet Niels. Je connaissais cette fille par le biais des jumeaux O'Brien mais je n'avais jamais vraiment discuté avec elle avant...
- Désolé je ne voulais pas te faire peur...
C'était à mon tour d'être décontenancé. J'étais un Russo, un descendant d'une famille fondatrice, je connaissais la communauté naïade de l'île depuis que j'étais tout petit. Et Juliet n'en faisait pas partie. Si Juliet était une naïade je l'aurais su. Était-elle une sorcière accomplissant un sortilège d'eau ? Peut-être que ma vision m'avait joué des tours et que je n'avais rien vu au final ? Je tentais d'engager la conversation pour mettre fin au silence malaisant qui pourrait s'installer.
- Tu aimes venir ici ? C'est un de mes endroits préférés sur l'île. Pas de touristes, juste l'immensité de l'océan et la nature sauvage. J'aime venir me ressourcer dans cette petite crique. Y a une étrange sérénité qui embaume l'air iodé...
Je passai la main dans ma chevelure déjà bien décoiffée. Je m'étais tout à coup confié à elle, mais je ne voulais pas non plus passer pour un philosophe chiant. J'aurais dû passer mon chemin et la laisser tranquille, mais la bulle d'eau que je pensais avoir vu demeurait dans un coin de ma mémoire...
- Non, c’est moi, je … j’étais perdue dans mes pensées. Tu tentas de faire un sourire amical mais celui-ci devait plus être de l’autre de la grimace.
Hunter Russo. Fils d’une des trois familles fondatrices de la ville. Tu le connaissais de vue principalement, parce qu’ici tout le monde connait tout le monde. Ou presque. Mais surtout parce qu’Hunter avait été le petit-ami de Ciara, ta sœur. Tu savais donc quelques petites choses de lui. Cependant, cette histoire remontait à leur année lycée alors, étais-ce encore des informations valables ? Rien n'était moins sûr.
Faisant la libre mental du peu de chose que tu pensais connaître du brun, tu ramassas ton plaid et le secoua rapidement avant de le remettre sur tes épaules. Tu levas les yeux vers le ciel pour apercevoir le soleil plus haut que ce que t’étais imaginé. Visiblement, tu avais perdu la notion du temps dans ta contemplation de l’océan.
Tu écoutas les mots du jeune homme avec une attention particulière. Tu aurais pu dire chacun de ces mots tant ils résonnaient en toi. Cette fois, le sourire qui étira tes lèvres était réel, doux et sincère. Tu glissas à nouveau ton regard sur l’étendue bleue, le ciel grisonnant contrastant avec celle-ci. L’air citronné entra dans tes narines tandis que tu inspirais profondément.
- Je venais que rarement, en été, mais je crois que je vais venir plus souvent j’aime ce… calme. C’était exactement ce que cet endroit te faisait ressentir. Le calme, l’apaisement, la sérénité.
Exactement tout ce dont tu avais besoin depuis ton retour en ville. Ton esprit vagabonda alors vers ta petite expérience. Avait-il vu la bulle ? Peut-être pas, peut-être qu’il était trop loin pour réellement distinguer quoi que ce soit. Et si c’était le cas ? Après tout, qui pourrait croire ce genre de chose ? Qui pourrait accepté ça sans le remettre en question ? Tu tentas de garder pour toi ces questions qui te matraquait l’esprit et te recentra sur l’instant présent, et pour l’occasion sur Hunter.
- Tu es le nouveau gardien du phare, c’est ça ? Les informations dans cette petite île avaient tendance à aller vite. Très vite. Mais au milieu de la quantité de potins, tu n’en retenais que peu. Pourtant celle-ci t’avait marqué. Tu n’aurais jamais imaginé un homme d’un si jeune âge comme gardien d’un monument tel que le Phare de l’île. Et encore moins Hunter, de ce que tu savais de lui. Ce qui au final était très peu.
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