Les yeux clos, tu étiras tes bras vers le ciel, concentrée sur ton corps. Le bruit de vagues rencontrant le sable apaisait ton âme, la sensation de ta colonne vertébrale s’allongeant pour te grandir un peu plus encore, l’odeur de l’iode citronné. Tu étais là, l’instant présent comme seul espace de vie. Inspiration, tu étiras encore plus tes muscles, le ventre contracté. Expiration, tout ton être se détends tandis que tu baisses tes mains vers tes cuisses. Tu prends une seconde, assise là, en tailleur sur le sol, avant de rouvrir les yeux et découvrir le soleil se levant à l’horizon, baignant la ville de douces lueurs rosés.
Il doit être quelque chose comme 7h30 et le jour se lève timidement sur une nouvelle journée d’hiver. Il fait froid. D’après ce qu’on dit et ce que tu vois, mais ce n’est pas ce que tu ressens. Tu portes un petit sweat violine pour ne pas dénoter en ce matin de janvier, mais tu ne ressent plus la fraicheur de la saison hivernale. Depuis deux ans déjà. C’est l’un des rares avantages que tu trouves à ta nouvelle condition. Tu peux profiter des matins solitaires alors que tout le monde reste au chaud à l’intérieur.
Tu avais eu un sommeil agité. Cette nuit, c’était la pleine lune et déjà durant ton ancienne vie, elle avait un drôle d’effets sur toi, chose qui s’était accentué depuis ta transformation. Ayant tourné encore et encore dans ton lit sans trouver les bras de Morphée, tu sentais monter tes angoisses en toi alors tu avais fini par te lever, prendre tes affaires et sortir. Mauvaise idée un soir de pleine lune dans une ville telle que Fate Hill, mais c’était presque l’aurore et tu étais restés près de la ville. Tu n’étais pas assez idiote pour aller te perdre dans les bois à la lueur de l’astre nocturne.
Cette petite séance de méditation sur la plage t’avait fait du bien et avais calmer tes démons anxieux. Quel serait le programme après cet instant rien qu’à toi ? Tu comptais passer prendre des viennoiseries en ville et rentrer à la maison de ton frère pour partager le petit déjeuner avec eux. C’était ton jour de repos et ta nièce ne prenait pas les cours avant 10h, alors tu comptais bien profiter de cette matinée familiale pour renouer tes liens avec elle. Mais au moment où tu te remis debout avec ce plan en tête, ton regard glissa sur une silhouette sur le quai. Une ombre que tu reconnus tout de suite. Ses cheveux bruns dans la brise fraiche, son regard tourné dans la direction opposé, il ne t’avait pas vu. Mais toi si. Tu n’avais pas revu ce visage depuis plusieurs jours, plusieurs nuits. Pourtant, il peuplait tes nuits depuis comme si le monde voulait t’envoyer un message. Tu frottas le sable sur tes cuisses et le plus discrètement possible, tu te mis à le suivre.
Après tout, il t’avait suivi hors du bar ce soir-là, dans les bois. A ton tour de le prendre en filature. Ainsi, à bonne distance, tu le suivi, pour rejoindre le centre-ville. La lumière orangée du matin illuminait les murs de briques, l’odeur du chasseur te vint aux narines, toujours aussi musqué et étrange. Elle t’attirait et te dérangeait à la fois. Il rejoignit l’une des rues principales avant de tourner d’un seul coup dans une petite ruelle dans laquelle la lueur de l’astre roi se faisait timide. Tu tournas à ton tour avant de te stopper net. Il avait disparu.
Tu soupiras. Tu n’avais finalement peut-être pas été aussi discrète que tu ne le pensais. Tu fis quelques pas entre les bâtiments en souriant. Pourquoi tu l’avais suivi ? Tu n’en savais rien du tout. C’était presque ridicule. Comme une sorte de jeu. C’était plus fort que toi. Tu secouas doucement la tête et te retourna pour quitter la rue mais la silhouette musclée du brun te barrait la route.
La première pleine lune de l'année. Une parmi les autres. La douleur. La culpabilité. La haine. Pas des autres, non, mais de lui-même. Il haïssait celui qu'il était devenu. Il ne l'avait pas choisi. Il ne voulait pas de ce destin que la nature avait écrit pour lui. Comme chaque fois que l'astre nocturne atteignait sa parfaite rondeur, le brun s'enfermait. Double tour et clé jeté, oubliée, jusqu'au matin. Les chaînes rougissaient ses poignets tandis que la douleur tordait son corps musclé. Les os se brisaient, les uns après les autres, se réarrangeant pour former ce corps canin qu'il haïssait tant. On pourrait penser que la douleur se ternirait, lune après lune, avec l'habitude. Mais l'habitude ne venait pas. La douleur subsistait. Toujours aussi intense. Intérieure. Extérieure. La douleur était partout. Insupportable. Sa voix s'éleva au fond du sous-sol miteux qui lui servait de cage. La lune était haute. La nuit serait longue.
7 janvier 2023.
Le soleil n'avait pas encore entamé sa course dans le ciel qu'Atticus ouvrit les yeux, roulé en boule sur la couchette miteuse qu'il avait laissé dans un coin de la pièce. Avec un grognement, il se redressa, ankylosé de la tête aux pieds. Toujours enchaîné, il se saisit des vêtements de rechange qu'il avait emporté la veille et enfila le caleçon et le jean. Il se leva avec difficulté et tenta vainement d'étirer ses membres afin de dissiper la douleur qui y pulsait. Tenter étant le mot clé. Elle était toujours bien là, sourde et constante. De son expérience, elle subsisterait au moins deux jours, s'amenuisant petit à petit jusqu'à disparaître complètement. Jusqu'au mois suivant. C'était un cycle éternel dans lequel il était coincé depuis maintenant deux ans. Son enfer personnel.
Il dégagea une brique du mur, derrière laquelle était dissimulée la clé de ses chaînes. Quelques minutes plus tard, il était dehors, dans le froid matinal, probablement trop peu vêtu pour la température extérieure de ce mois de janvier. Il n'était pas remonté à son appartement avant de sortir, aussi ne portait-il qu'un pull, épais certes, mais un manteau bien chaud n'aurait pas été de trop. Son esprit complètement déconnecté, encore embué par la lune, il avait laissé ses pas le guider jusqu'aux docks. Le regard perdu dans les vagues, il laissait son esprit divaguer, se reconnecter à la réalité, petit à petit. Le soleil commençait à poindre et à percer difficilement les nuages.
Après quelques longues minutes de cette sorte de méditation post lune, le brun se secoua et prit la direction du centre-ville. Il n'avait pas la moindre notion de l'heure exacte qu'il était, il n'avait ni sa montre, ni son téléphone sur lui, mais à en croire le levé du soleil qu'il observait - et le fait qu'il ne se déplaçait plus à quatre pattes - il en déduisait qu'il ne devrait pas avoir trop de mal à trouver du café. Les mains dans les poches, le regard fixé devant lui, il prit la direction de la rue principale, ne croisant personne sur sa route. Il n'avait pas encore atteint sa destination qu'il la sentit.
Cette odeur qui hantait ses jours et ses nuits depuis leur rencontre. Cette odeur enivrante. Epicée. Piquante. Il ne savait pas exactement où elle était, mais la brune n'était pas loin. Un fin sourire étira les lèvres du chasseur et son cœur rata un battement. Il changea sa trajectoire d'un virage sec, s'engouffrant dans une étroite allée entre deux bâtiments, et se dissimula dans un recoin du mur. Tapi dans l'ombre, il attendit quelques secondes jusqu'à ce que, finalement, la longue silhouette longiligne s'élance à sa suite dans la ruelle. Ayant perdue sa proie, la brune s'arrêta et tourna la tête de droite à gauche, à sa recherche. Le brun sortit finalement de sa cachette et se tenait derrière elle lorsqu'elle se retourna enfin. Dans sa vivacité, elle le percuta presque. Un sourire joueur étirait toujours les lèvres du brun alors qu'il plongeait dans son regard hypnotique. Elle n'était qu'à quelques centimètres de lui, si bien que son odeur, plus intense que toute à l'heure, l'entourait de toute part. La pleine lune n'était pas bien loin derrière lui, et il dû retenir un grondement animal qui s'échappa presque de sa gorge. D'un doigt, il repoussa une mèche de cheveux qui tombait sur le visage de la brune avant de s'adresser à elle d'un ton chaud.
- Tiens, tiens, tiens, regardez qui voilà. Peut-on savoir jusqu'où tu comptais me suivre comme ça petite vampire ?
Aligner deux mots était une épreuve en cette matinée, sa voix était plus rauque qu'à l'accoutumée, portant encore les traces de la douloureuse transformation qu'il avait vécu la veille au soir.
Il se tenait là, devant toi, à seulement quelques centimètres. Une bulle pour les envelopper, son odeur se mêlant à la tienne. D’ailleurs, si proche de lui, tu remarquas que son odeur était légèrement différente de votre dernière rencontre. Comme plus profonde, plus musquée. Le sourire qui étirait ses lèvres était joueur et réveilla en toi une certaine malice. Tu relevas le menton, ton regard fixé dans le sien, le soutenant sans ciller.
Sa voix glissa sur la peau de ton visage comme une douce brise hivernale faisant crépiter la peau délicate de ta nuque. Passer une année à vivre dans l’obscurité, maintenue en vie par l’alcool, le sang et le sexe, laissent des ravages. Le sevrage que tu avais mis en place depuis plusieurs semaines déjà mettait tes nerfs à rude épreuve et l’homme qui se tenait là, en face de toi, semblait réveiller quelque chose d’enfoui en toi.
Refusant de détourner le regard en première, tu laissas tes lèvres s’étirer en un sourire malicieux avant de répondre.
- Je joue au même jeu que vous, Monsieur le Chasseur. Vous me suivez, je vous suis.
Le contact de son doigt sur ta peau se répercuta dans ton être. Quel était cette putain de magie ? Pourquoi l’effet de cet humain au pieu de bois était si intense ? A la fois en énervé par cette attraction incompréhensible et le cœur battant plus fort à l’idée de cette tentation, tu passas ta langue sur tes lèvres avant de le contourné à une vitesse folle, te glissant derrière lui.
- J’ai une question. Susurras-tu à son oreille. Pourquoi ne pas m’avoir tué l’autre soir ?
Voilà ce qui te tracassait. En dehors de l’étrange lien qui semblait t’attirer vers cet inconnu. C’était un chasseur, il t’avait repéré facilement, et il t’avait suivi, il t’avait là, sous la pointe de son arme, et rien. Il n’a rien fait. Il t’a laissé partir. Pourquoi ? Était-ce parce qu’il ressentait ce trouble lui-aussi ? Ou simplement avait-il pris pitié du monstre dépressif que tu étais ? En un clin d’œil, tu revins te positionner face à lui, mettant cette fois une petite distance entre vous. Juste un pas. Juste de quoi respirer plus facilement.
Le sourire qui étirait ses lèvres ne se fana pas alors que le brune lui répondait. Il hocha lentement la tête, peinant à garder son sérieux devant l'air revêche et fier qu'il pouvait lire sur son visage. Bordel ce qu'il était intrigué par ce morceau de femme. Son regard aurait pu la suivre sans peine alors qu'elle se déplaçait derrière lui mais il resta dans sa position, ne pouvant retenir le frisson qui remonta le long de sa colonne vertébrale quand elle susurra à son oreille. Son sourire s'élargit quand elle se remit en mouvement pour se replacer devant lui et cette fois-ci, il l'arrêta. D'un geste vif, il agrippa son bras au passage et la repoussa contre le mur adjacent, faisant barrière de son corps entre elle et la rue derrière eux. Un bras de chaque côté de son visage, il souriait toujours lorsqu'il délia ses cordes vocales.
- Attention vampirette, n'importe qui pourrait te voir te déplacer comme ça, et ils ne seraient pas tous aussi cléments que moi. murmura-t-il à son oreille.
L'odeur de la brune embaumait ses narines, emplissait tout son être et il ne put retenir le grognement presque animal qui quitta sa gorge et le força à reculer, détournant et fermant les yeux pour cacher la teinte ambre qu'ils avaient brièvement pris. Que ce soit son odeur à elle, ou l'odeur sous-jacente de vampirisme qui créa cette réaction en lui, il n'en était pas pleinement certain, mais celle-ci avait été viscérale, et il peina à l'endiguer. La pleine lune n'avait pas encore totalement relâché son emprise sur lui et son comportement était au moins aussi animal qu'il n'était humain. Il lui fallu plusieurs secondes, yeux fermés et poings serrés pour calmer les battements de son cœur avant de rouvrir les yeux et de les poser à nouveau dans ceux de la brune.
Une nouvelle fois, tu te retrouves bloqué contre un mur. La dernière fois c’était un arbre, mais tu as comme la sensation qu’une petite habitude s’installe, ce qui te fait sourire à nouveau. Tu ne sais pas pourquoi tu la suivi. Oui, tu avais cette interrogation qui était resté en suspens depuis votre dernière rencontre, mais c’était plus que ça. Lors de votre première rencontre, tu avais l’impression de toucher le fond, que ton existence n’avait plus la moindre valeur, que tu ne pouvais plus rien vivre de plus, de bon, que tu étais vouée à être un monstre et que tu préférais encore disparaître que de décevoir ton frère. Les démons prenaient le dessus sur toi, comme des ombres perfides appuyant sur ta tête pour que tu coules encore et toujours.
Mais il était arrivé, lui et son regard, son odeur. Tu ne savais pas réellement ce qu’il à ce moment-là, mais quand tu avais fui, tu avais senti, ce lien, cette attraction. Depuis, il avait été présent dans tes rêves, malgré toi. Alors oui, en le voyant ce matin-là, tu n’avais pas su résister.
Mais derrière ton sourire, tout cela t’intrigua. Sa force, sa rapidité, rien de tout cela n’était humain, tu en étais certaine.
- Je ne crains pas de mourir. Je pensais que tu l’avais compris, chasseur. Tu le défiais du regard quand le grognement s’échappa de sa gorge et que ses yeux devinrent ambrés. A cet instant, tout ton corps frissonna, tandis que tu comprenais tout. La force, l’agilité, sa facilité à te pister, et … son odeur. Ton cœur rata un battement sans réellement savoir si tu étais amusée de cette révélation ou inquiétée.
- Mais en attendant, ça ne répond pas à ma question. Et pour la deuxième, tu lui demandas : Pourquoi ne pas m’avoir tué l’autre soir ?
La lune était pleine quelques heures plus tôt seulement, ce qui expliquait que son emprise sur tes poignets était encore plus forte que la dernière fois. Tu savais que peu de choses sur les lycans. Maya t’avait un peu parlé de chaque espèce, histoire que tu sois préparé à la vie à Fate Hill. Tout ce que tu avais retenu des Loups, c’était qu’ils étaient supposés être les ennemies mortels des vampires, que leur morsure est fatal pour toi, mais qu’ils n’étaient réellement dangereux que lors de la pleine lune, le reste du temps, tu étais supposé resté plus forte qu’eux. Mais le brun avait une particularité en plus. Il était un chasseur. Un loup chasseur.
Une nouvelle interrogation naquit dans ton esprit : s’il est supposé être ton ennemie, alors pourquoi cette tension entre vous ? Tu n’étais pas folle, elle était là, tu en étais certaine. Elle était palpable bien qu’inexplicable.
Bordel, à quel point il détestait les premiers jours après la pleine lune. Il avait cette sale impression de ne plus rien maîtriser, d'être victime de ses instincts et de la bête qui se cachait sous la surface. A la seule idée qu'il pourrait être un danger pour la brune qui lui faisait face, ses entrailles se tordaient. Ca n'avait aucun sens en soit, ce n'était qu'un vampire parmi les autres. Et pourtant. Par mesure de prudence, et pour laisser à la belle une chance de fuir si il perdait le contrôle de lui-même, il recula encore de quelques pas et s'adossa au mur de l'autre côté de la ruelle. Plusieurs mètres les séparaient maintenant et son cœur pu enfin se calmer un peu. Bordel, cette nana avait un effet sur lui qu'il n'expliquait pas. Le défi dans les yeux de la brune réveillait des instincts de prédateur en lui qu'il aurait préféré oublier et il ne pouvait absolument rien y faire. Et la réalisation de ce qu'il était la frappa suite à sa perte de contrôle, il le vit tout de suite dans ses yeux. Ce mélange d'anticipation et de compréhension. Il n'était pas si différent d'elle au final, et elle venait de s'en rendre compte. La honte brillant dans ses yeux il détourna le regard vers le sol, incapable de la regarder en face tant il haïssait ce qu'il était et ce que cela représentait.
Pourtant, elle ne devait pas être plus phasée que ça parce qu'elle ne s'enfuit pas en courant, ce que bien des vampires auraient fait à sa place. Mais encore une fois, elle n'avait pas peur de mourir, elle ne manquait pas de le lui rappeler à chacune de leurs rencontres. Pourquoi lui avait-il peur alors ? Levant à nouveau les yeux vers elle, il ne put empêcher les mots de franchir la barrière de ses lèvres.
- Je n'en ai pas la moindre idée.
Après un silence, baissant le regard à nouveau, il ajouta à voix basse, sachant qu'elle l'entendrait tout aussi bien:
- J'en étais incapable. L'idée même de te faire du mal me donne la nausée.
Le brun n'avait pas la moindre idée dans quelle merde il s'était fourré, mais il s'en foutait royalement. Maintenant qu'il avait rencontré cette vampire, il ne comptait pas laisser quoique ce soit lui arriver.
“i can play too.” &La distance entre vous fait naitre un frisson glacé en toi mais tu le fais taire rapidement. Tu ne veux pas laisser la place à ce genre de choses, tu sais très bien que la moindre petite vague d’émotions incontrôlé pourrait te dépasser et ouvrir la porte à tout ce qui se cache au fond de ton cœur. Tu expires lentement pour maitriser autant que possible les barrières de pierre qui entoure ton myocarde, mais la lueur qui s’allume dans le regard du brun te file de nouveau un frisson. Mais cette fois, c’est différent. Tu reconnais la honte dans ces pupilles. La même honte qui te pétrifie depuis 2 ans. Celle qui toi, t’as pris ton envie de vivre, et alors que ces pensées sombres envahissent ton esprit, tu te surprends à avoir peur qu’il puisse ressentir cette même noirceur.
Son regard est fuyant et ton cœur accélère, ton souffle se fait plus cours tandis que cette émotion de peur te broie l’estomac. Pas d’émotions Naya, putain.
Mais la phrase du brun tombe comme un couperet sur ta nuque. Tu expires, tente de cacher la tornade qui secoue ton âme, passant ta langue sur tes lèvres, devenu étrangement sèches. Cette fois, c’est toi qui as la nausée alors que ton cœur est au bord de tes lèvres, menaçant de briser sa carapace. Non. Non. Non. Tu as besoin d’agir parce que sinon, tu as le sentiment que tu vas t’effondrer. Les ombres de tes angoisses remontent pour te prendre à la gorge. Comme porté par le vent, tu traverses la distance qu’il y a entre vous à une vitesse folle, pour te planter là, juste devant lui. Plus petite de quelques centimètres, tu lèves les yeux pour poser tes yeux dans les siens avant de les laisser glisser vers ses lèvres, détaillant son visage que tu vois pour la première fois sous la lumière du jour. Tu as une apparence calme et contrôlée alors qu’en toi, c’est un duel acharné entre l’attraction qui te tire vers lui, cette voix suave que te murmure que ses lèvres ont l’air faite pour les tiennes, et ton envie de fuir, loin très loin, encore, histoire de faire taire le tourbillon d’émotions qui menace sous la surface.
Et si …
Tu ne prends pas le temps de réfléchir plus longtemps. Tu éteins ton cerveau et te glisse tes mains dans la nuque du brun, te hisse sur la pointe des pieds et pose tes lèvres sur les siennes.
Le silence. Une chaleur délicieuse envahit ton corps et ton âme tandis que les voix se taisent. Le vide s’installe, apaisant ton être tandis que goutes à ces lèvres défendues. Ton cœur se met à battre plus lentement, la tornade de tes pensées a disparu. Tu appuies ton baiser désireuse de sentir un retour de sa part.
Les yeux de la brune semblaient refléter le même bordel d'émotions qui tourbillonnait dans son cerveau, et il était à peu près sûr que c'était une putain d'idée à la con. Surtout aujourd'hui. N'importe quel autre jour aurait été mieux pour cette conversation qu'aujourd'hui. Aujourd'hui, il n'avait aucun contrôle de lui-même. Aujourd'hui, chaque seconde qui passait été un supplice qui menaçait de le faire plier. Et pourtant, chaque seconde où il la regardait, la douleur devenait sourde. Les émotions étaient en revanche exacerbées. Dangereuses. Il ressentait tout trop fort. C'était un joyeux bordel et il n'avait aucune idée de comment le démêler. Et alors que la distance physique semblait légèrement aider son cœur à calmer l'intensité de ses battements, la brune ne semblait vouloir lui laisser aucun répit. Putain, mais comment il allait bien pouvoir lui faire comprendre qu'il fallait qu'elle reste très loin de lui.
Comme si la diminution des centimètres entre eux n'avaient pas suffit à tuer sa résolution, la voilà décidée à l'annihiler complètement. Son souffle se bloque dans sa gorge quand ses bras s'enroulent autour de sa nuque et tout son corps se tend d'anticipation avant que sa bouche vienne se poser sur la sienne. Aussi intensément qu'il avait voulu sentir son corps contre le sien pendant les jours qui avaient suivi leur rencontre, ce n'était vraiment pas le moment idéal. Et pourtant. Comme animés d'une volonté propre, l'un de ses bras vient se loger dans le creux de ses reins et la presse plus contre lui. Son autre main remonte sur sa nuque et s'en empare, empêchant toute retraite tandis qu'il approfondit le baiser.
Quelques secondes s'écoulent avant qu'il ne la repousse brusquement et ne tourne la tête sur le côté, les yeux clos et la respiration lourde. Si ses paupières avaient été ouvertes, elle y aurait vu briller la même lueur ambrée qu'un peu plus tôt, le même instinct animal. Putain de merde il se détestait. Et il détestait par dessus tout le simple idée de perdre le contrôle et de blesser la brune qu'il tenait encore par la taille.
Avec un grognement de frustration destiné à sa propre faiblesse, il lâcha la belle à contrecoeur et se détourna à nouveau, faisant plusieurs pas sur le côté en tentant de reprendre contenance. Les deux mains appuyés sur le mur, la tête tournée vers le sol, il étirait les muscles de sa nuque en respirant profondément pour repousser le loup au fond de lui.
- Putain tu n'as absolument aucun instinct de survie. murmura-t-il avec difficulté, la voix rauque. Que ce soit à cause de l'étreinte qu'il avait quitté ou de l'effet résiduel de la lune il n'en était pas certain.
“i can play too.” & T’aurais été incapable de décrire ce que tu ressentais là tout de suite, ses lèvres sur les tiennes. Des frissons ? Non. C’était plus comme une courant chaud, merveilleux, qui imprégnait tout ton corps en partant de ton bas ventre. Cette sensation se multiplia par 1000 quand tu sentis qu’il te rendait ce baiser. Sa main dans le bas de ton dos, ton corps contre le sien. Putain, c’était fabuleux. Tu gémis contre sa bouche, incapable de contrôler cette vague qui prenait possession de ta poitrine. Ta langue glissa sur sa lèvre, comme affamée. En toi frémit une chose disparue depuis longtemps, une chose que tu avais même oublié, une lueur douce et rassurante, une lumière chaleureuse qu’on appelle l’espoir.
Dans ton esprit, tout est calme. Tout semble apaisé, il n’y a plus de questions, plus de peur, tout ce qui compte c’est ça. Toi, lui, et cette magie inconnue qui vous ensorcelle. Le reste, tes angoisses, tes démons, tout ça, ça n’a plus d’importance.
Jusqu’à ce qu’il recule.
Mouvement brusque, souffle court, il tourne la tête et ferme les yeux, fuyant ton regard et ton contact. Il finit par te lâcher et tu recules de trois pas, légèrement désarmée par ce qui viens de se passer. Tu en avais connu des hommes, mais jamais, que ce soit dans ta vie passée d’humaine ou ton année sombre, tu n’avais ressenti telle plénitude. C’était une certitude. Petit à petit, loin de son corps et de son contact, tes doutes refirent surface. Il grogna, faisait les cent pas, avant de s’appuyer contre le mur. Putain, il avait l’air de souffrir. Et c’était ta faute. D’un seul coup, le rythme effréné de ton cœur n’est plus dû à l’excitation, non, c’est dût à la boule de nœud qui viens de nouveau se loger dans le creux de ton estomac. Ta faute. Tu as encore fait n’importe quoi. Regarde-le. Tu le pousses dans ses retranchements, c’est toi qui fais ça. C’est un loup. Toi, un vampire. Génétiquement, ça ne colle pas. Tu ne fais que le faire souffrir. T’as la nausée. Putain, que tu es bête. Tu as envie de t’excuser, de disparaitre, de fuir, encore une fois. De faire comme si ça n’était pas arrivé, même si c’était merveilleux, c’était un doux rêve mais ça ne restera que cela.
- Je… T’as la gorge nouée, tu sais même quoi dire. Dire pardon ? Ce serai si inutile. Tu souffles, ta respiration se fait saccadé, la crise d’angoisse montant dans ta gorge. Il fait jour, t’es en plein centre-ville, tu ne peux pas fuir. D’après Maya, l’île est truffée de chasseurs. Tu ne termines pas ta phrase mais tu lances un dernier regard vers le brun avant de prendre la direction de la place centrale, lentement, telle l’humaine que tu es supposé être pour le monde.
Il ne s'était pas senti aussi bien et aussi mal à la fois depuis... Jamais en fait. Si il tentait par tous les moyens de réprimer l'influence que la lune avait encore sur lui, il avait pourtant juste envie de sourire comme un idiot. Devant cette nana là, il avait juste l'impression d'être un collégien béat devant son crush. Même là, à plusieurs mètres d'elle et de son odeur, il pouvait encore sentir la courbe de son corps contre le sien et les frissons qui le parcourait à son seul contact. Jamais il n'avait ressentit les émotions aussi intensément. Alors oui, bien sûr, celles-ci étaient emphasées depuis sa transformation, mais ça n'avait rien à voir. En deux ans de lycanthropie et les aventures qu'il avait eu depuis, il n'avait jamais eu aussi peu de contrôle sur ce qu'il ressentait. Et étrangement, pour le maniaque du contrôle qu'il était, ça ne le dérangeait pas plus que ça. La seule chose qui le dérangeait et tournait en boucle dans sa tête était le fait qu'elle l'ait interpelé un lendemain de pleine lune et qu'il pouvait représenter un danger pour elle. Et ça, ça le rendait malade.
Plongé dans ses pensées et sa vaine tentative de calmer les battements frénétiques de son cœur, il ne remarqua pas immédiatement la panique qui s'installait sur le visage de la brune. Ce ne fut que quand elle parla qu'il tourna la tête vers elle et capta son regard. Putain le con. Il était tellement focalisé sur sa petite personne qu'il n'avait même pas prit conscience que la repousser comme il l'avait fait aurait pu avoir des conséquences. Il n'eût pas le temps d'ouvrir la bouche qu'elle se détournait vers la sortie de la ruelle, le regard plein de choses qu'elle ne dit pas.
- Merde. souffla-t-il en se redressant prestement, ignorant la protestation de ses muscles encore douloureux de sa récente transformation.
En quelques grandes enjambées, il la rattrapa et, saisissant son bras, il la tira quelques pas en arrière, bien à l'abri dans la ruelle. Passant à nouveau sa main derrière sa nuque, il attira son visage au sien et déposa un baiser sur des lèvres, aussi doux que le précédent avait été passionné. Décollant sa bouche de la sienne, il posa son front contre le sien sans la lâcher.
- Je suis désolé. Putain, t'imagines pas à quel point je suis juste pétrifié à l'idée de perdre le contrôle et de te blesser.
En soit, la brune était un vampire, y avait-il vraiment quelqu'un de mieux placé qu'elle pour savoir ce qu'il ressentait à l'idée de lui faire du mal sans le vouloir ? De toute évidence, elle avait un talent insoupçonné pour faire sortir de sa bouche tout ce qu'il pensait sans aucun filtre. Ce n'était pas si mal finalement, l'honnêteté avait toujours eu du bon.
“i can play too.” & Ton esprit est en train de sombrer dans un néant angoissant quand sa main attrape ton poignet. Tu te laisses tirer en arrière comme un poupée de chiffon, concentrant ton attention sur ses doigts autour de ta peau, la vague de chaleur qui se dégage de ce contact et l’apaisement instantanée qui s’installe dans ton être. Tu relèves les yeux vers lui, le regard encore assombri par tes angoisses. Quand ses lèvres rencontrent les tiens, le silence s’installe à nouveau dans ta tête et la douce vague de bien-être ressentie plus tôt se réveille à nouveau en ton sein, calmant la tempête qui ravage ton fort intérieur.
Il s’excuse mais tu ne l’écoutes que d’une oreille, sa voix te faisant reprendre pied, de retour dans la réalité.
- C’est moi. Je… Je ne sais pas ce qui m’a pris. Je n’ai pas réfléchi.
Tu baisses les yeux. Sa proximité te permet de garder constance mais votre réalité te frappe pour la première fois. Evidemment, si toi tu te fous de sa nature, ça ne change rien aux faites que vous soyez des ennemis naturels. Au-delà de l’attirance, de cette tension entre vous, il y aussi vos deux natures qui s’opposent. Alors en effet, jouer à ce jeu avec un loup, le lendemain d’une pleine lune, ce n’était clairement pas l’idée la plus lumineuse que tu es eu. Toi tu te fiches de mourir, mais de toute évidence, lui ne se moque pas de te faire du mal. Et ça, tu n’y avais pas pensé.
- Je n’y avais pas songé je dois dire… Tu relèves les yeux vers lui au moment où un rayon de soleil levant illumine les briques du mur à côté de vous.
- Je pensais que comme il faisait jour, je ne risquais plus rien. Tu te sens bête. Toi, qui ne connait que très peu de choses sur les créatures obscures et leurs failles. Mais au-delà de ça, tu ne sais rien de lui. Il y a encore quelques minutes, tu pensais qu’il n’était qu’un humain, chasseur tout au plus. En réalité, tu ne savais même pas son prénom.
- Je m’appelle Naya. Lanças-tu d’une voix douce, comme pour reprendre votre relation à 0, ton regard fixé au sien.
Il aurait pu la tenir contre lui pendant des heures et ce fut à regret qu'il la sentit s'éloigner. Elle n'était pas bien loin, mais elle s'était suffisamment décollé de lui pour pouvoir le regarder en face. De si près, il avait tout le loisir d'observer chacun des traits de son visage, comme s'il voulait les graver en lui. Même si il essayait, il serait complètement incapable de les oublier de toute façon. Il la laisse parler sans l'interrompre, son regard errant sur les traits fins de son visage. Bordel, il n'avait jamais vu une femme aussi belle de toute sa vie. Vampire ou pas, elle était d'une beauté à couper le souffle. Un fin sourire vint étirer ses lèvres à sa remarque et il secoua négativement la tête avant de répondre. Sa voix était douce et explicative, sans aucune trace d'agacement ou de condescendance. Après tout, il ne devait y avoir que les lycans qui ressentaient encore la présence de la lune dans le ciel malgré l'apparition du soleil.
- Tu ne la vois plus, mais elle est encore là, à m'emmerder bien comme il faut pour quelques heures après le lever du soleil.
Comme en écho à sa phrase, il suivit le regard de la brune jusqu'au rayon de lumière qui s'était frayé un chemin jusqu'à eux. Plus celui-ci se levait et plus l'influence de l'astre nocturne diminuait, permettant au chasseur de garder le contrôle avec plus de facilité, et par conséquent de garder la brune contre lui tant qu'ils ne s'emballaient pas trop. D'ici une heure, tout au plus, il serait tranquille. Jusqu'au mois suivant bien sûr, où tout recommencerait encore, en un cycle duquel il ne sortirait jamais.
Ses yeux bruns revinrent se poser dans ceux de la vampire quand elle parla à nouveau. Le sourire qui n'avait pas quitté ses lèvres s'élargit légèrement.
- Naya. répéta-t-il à voix basse, faisant rouler le prénom sur sa langue presque avec délectation. Ça te va bien. ajouta-t-il après une seconde, son index replaçant une de ses longues mèche de cheveux bruns derrière son oreille et effleurant sa mâchoire au passage.
Pendant un bref instant, il envisagea de ne pas répondre, ou de lui donner un autre prénom que le sien. Rien à voir avec des questions de sécurité pour lui et sa sœur non, simplement par haine envers son patronyme. Mais avec un soupir las, son sourire sa fanant, il finit par répondre, crachant du bout des lèvres :
- Atticus.
Il détourna les yeux à nouveau, cherchant n'importe quoi d'autre à regarder que ses grands yeux clairs. Ses mains, toujours posées sur les hanches de la brune - Naya, se répéta-t-il en étouffant un frisson - s'étaient contractées légèrement en prononçant ce prénom qu'il détestait. Il aurait dû en changer bien des années auparavant mais il n'avait jamais réussi à s'y résoudre. Il était donc coincé avec depuis tout ce temps, réticent à le communiquer plus que de nécessité.
“i can play too.” & Tu profites de ce moment de calme, hors du temps, pour observer le brun, cherchant à graver le moindre détail de son visage dans ton esprit. T’avais l’impression d’être dans une bulle, là, dans ses bras. Pour la première fois depuis des lustres, tu te sentais à l’aise, apaisée, sereine. Et c’était merveilleux. Tu refusais de te poser la moindre question, de remettre en perspective ce sentiment de plénitude, tu aurais bien le temps de te marteler l’esprit de doute et de peur plus tard. Là, c’était toi et lui.
Quand ton prénom glissa sur la langue du brun, ton cœur se serra et ton être s’enflamma un instant. C’était insensé, cette vague d’émotions, mais tu la prenais, toute entière. Le tracé de son doigt sur ta joue sensibilisa ton derme avant de se répercuter dans chacune de tes cellules. Putain, mais comment c’était possible ? Tu tentais de garder le rythme calme de ton cœur tandis que tes prunelles trahissaient la moindre de tes pensées.
Atticus. Il le dit sur un ton et d’une manière qui te fit comprendre instantanément qu’il n’aimait pas son prénom. Pourtant, toi tu l’aimais. Il était à la fois fort et doux, comme venu d’un temps ancien, traversant les histoires et les périples, entre mystère et magie. Toi, tu l’aimais déjà ce nom. Tu glissas tes mains autour de sa nuque, ajoutant encore du contact entre vous.
- Enchantée, Atticus. Ton sourire était lumineux, tout était simple, facile, évident. Alors que tu fuyais les autres êtres vivants depuis des mois, là, tu aurais tout donné pour que ce moment, cette discussion dure toujours. Tu voulais en savoir plus. Beaucoup plus.
- Je ne suis pas ici depuis très longtemps, mais j’ai la sensation que toi non plus, je me trompe ? Tu avais tout un tas de questions qui tournaient dans ta tête, mais aucune d’entre elles n’étaient angoissantes. Non, au contraire. Elle était faite de curiosité et d’envie. C’est en pensant à cela que tu eus cette sensation floue de te retrouver, toi, la vraie Naya à l’intérieur du monstre.
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