31.août.1997 Hôpital de Manchester Ana Daiane vient au monde à sept heures du matin. Enfant unique, ses petits cris résonnent à peine quelques heures après l'accident mortel coûtant la vie à la princesse de Galles. On pleure et on se lamente, à l'hôpital, tandis que des parents comblés regardent leur petite première prendre ses premières bouffées d'air.
Son prénom reste un hommage, ou un rappel, à la tragédie qui secoue tout un pays - et même deux.

Quelques jours plus tard, le couple que forment Shayane et Natanael rentre dans leur foyer en plein milieu de la campagne. Ils vivent, loin de tout, une vie que l'on dit plutôt simple. Ce sont les derniers au courant de tout, la télé ne passe pas très bien dans cette bâtisse de pierres épaisses, et une zone blanche semble empêcher les communications par la ligne téléphonique. (Autant de protections qui, en réalité, ont été installées par le couple pour empêcher leur travail d'être découvert)

12.mai.1998 Maison des Miller
C'est seulement l'affaire de quelques jours promettent les deux jeunes parents en confiant les affaires de leur fille aînée aux Miller. On les a repérés au nord, près de la mer. On sera de retour très vite, surveillez-la juste. Elle aime les mobiles et son dinosaure en peluche, mais déteste le rose. Appelez-là Ana, mais jamais Didi, elle ne répondra pas. Oh et elle déteste avoir ses cheveux en palmier.
Un baiser, deux, mille, sur le front et le crâne de la petite Diana. (Jamais assez.)

mi 1998 Manchester
Ouverture de testament. Elle est trop petite pour comprendre. On lui a mis son dino dans les bras et un biberon à portée. Dans sa poussette, elle somnole à moitié. Le monde passe, flou, et elle ne s'en souviendra jamais.
Shayane et Natanael n'ayant aucune famille proche, ils ont expressément demandé à ce que leur enfant soit placé sous votre garde, au vu des liens entre vos familles. Madame, comme vous êtes la marraine de l'enfant...

Tout a toujours été calculé. Diana n'en a pas conscience, bien entendu.
Parce qu'ils sont tous les quatre chasseurs, et que, toujours, la communauté se soutient.
Parce que ça pourrait arriver à n'importe qui, n'importe quand, de se faire emporter par la faucheuse ; mais dans leur ligne de métier, elle se pointe encore plus fréquemment.
Parce que Shayane a menti, mais que la famille qui les attendrait au Brésil mettrait sûrement la gamine dans un orphelinat sans même vouloir lui accorder un second regard. Que Natanel a toujours couvert et soutenu sa femme, même lorsqu'il fallait quitter un pays qu'il aimait profondément.
Tout a toujours été calculé pour que leur lignée perdure, que le monde humain soit en sécurité. Que la relève soit assurée.

12.octobre.2012 campagne anglaise
Les années passent sans se ressembler. Ana Daiane, Diana, grandit sans faire de grandes histoires. Elle grimpe aux arbres et s'écorche les genoux, caresse les chats et embrasse ses parents sur la joue avant d'aller se coucher. Ceux-ci ne font aucun secret sur ses origines, et, si à l'école on se moque un peu d'elle de temps à autre, elle a le répondant pour leur rabattre leur caquet.

Sur son temps libre, sa famille reste une famille de chasseurs. La gamine n'en est pas vraiment une : elle grandit des armes au poing, le danger dans les veines.

Mais lorsque tout va mal, quand elle a peur, qu'elle fait mal ou se fait mal, la jeune fille sait qu'elle peut compter sur son frère aîné. Depuis qu'elle est en âge de se souvenir, elle a toujours été proche d'Atticus - figure rassurante, ombre de plus en plus grande. Il est le confident idéal et le camarade de jeu parfait. Le modèle et le partenaire. Il est tout, et, à bien des égards, il est bien plus que leurs parents réunis.

Elle a 15 ans lorsqu'on l'emmène sur sa première réelle chasse. Ses doigts tremblent, il pleut à en vider la mer, la bestiole manque de s'échapper. Elle court, court, et la gamine se tord le poignet.
Ca ira mieux la prochaine fois.
2015 Manchester
Effectivement, ça va mieux les fois suivantes. Les grandes vacances avant son entrée en études supérieures lui offrent une foule de situations intéressantes. Diana se découvre une passion de plus en plus affirmée pour la gestion et la planification. Oh, courir avec les dangers inhumains lui plaît aussi ! Mais c'est dans la préparation qu'elle excelle.

Viennent les premiers petits boulots, en parallèle de ses études. Ceci, associé à la chasse, la mènent à un solide rythme de sommeil de trois heures par nuit : lorsqu'elle parle avec ses ami.es, elle préfère laisser entendre qu'elle passe des soirées torrides plutôt qu'à suivre les disparitions mystérieuses de moutons au nord de la cité.

2018 Manchester
Premières réelles amours. Il est difficile d'aimer lorsque l'on n'a pas une minute à soi... Et que l'on est trop jeune pour fréquenter les établissements de rencontre.
Diana se perd, un peu. Essouffle les coups d'un soir. L'une d'elle se transforme en petite amie, puis en ex. Une autre, quelques mois plus tard, qui ne durera pas.
Il est difficile de les garder, quand on protège l'humanité.

2021 Route
Il est tard, il fait noir, il n'y a pas de marquage au sol. Les muscles fourbus, les yeux clos, Diana manque de finir comme celle dont elle porte le prénom.

Elle se réveille quelques jours plus tard, à l'hôpital, bardée de câbles, de tuyaux et de cicatrices -- mais en vie.
A la différence de ses parents.

La douleur qui la submerge est terriblement humaine, repousse les limites de sa perception et de son corps. Elle voudrait crever, là, maintenant -- s'il n'y avait pas son frère pour la soutenir, si elle pouvait encore marcher, rire, avancer, elle boufferait les cachets et s'laisserait couler.

Ils rentrent tous les deux chez eux, elle en béquilles, lui sur ses deux jambes... Et lorsque vient la pleine lune, une, deux, trois fléchettes se fichent dans le monstre qu'il est devenu.
(Il va l'abandonner)
(Qu'il la bouffe ou la tue, ça passe. Mais qu'il l'abandonne ? Elle pourrait en hurler)

Elle réussit à traîner son corps jusqu'à la salle sécurisée de la cave, l'y enferme pour la nuit. Atticus est sa seule famille : elle ne le laissera pas partir ou souffrir. (Sans compter les fléchettes: c'était pour son bien)

Il lui faut quelques heures, une nuit sans sommeil malgré les opiacées dont sont lacés tous ses médocs, pour se convaincre que son frère est toujours là, qu'il n'y peut rien. Lorsque vient le jour et que s'ouvre la porte à sa demande, son choix est fait : elle l'aime. Elle l'aime, son frère, et peu importe ce qu'il vient de se passer. Elle reste à ses côtés.

2023 Fate Hill
Et elle le suivra au bout du monde.

C'est pour lui qu'elle déménage à sa suite, plaque le job de vendeuse de fringues sous-payé dans lequel elle ne s'est jamais épanouie ; pour lui qu'elle a investi dans des ordinateurs à la pointe de la technologie, bidouillés par les soins des meilleurs nerds que la communauté ait pu leur donner, des trackers high tech plus propres qu'il n'y paraît ; pour lui qu'elle se force, jour après jour, à ignorer les douleurs qui courent encore son corps.
Parce qu'il a besoin d'elle, et qu'il est une part de son être.

Elle ne met pas longtemps, arrivée sur le sol de l'île, à se faire embaucher à la bibliothèque. L'emploi est stable, paie mieux qu'elle ne l'espère, et lui permet sans problème de gérer sur le côté les chasses de son frère... Et même, oh, que c'est indécent ! d'avoir des loisirs.